L'alchimie de nos jours est redevenue, comme souvent, une contrée ressemblant à une île où de moins en moins de chercheurs abordent de façon résolue quant au choix des sources (textes) et des initiateurs (pratique).
Il y a maintenant presque trente ans, l'alchimie d'expression française était sous l'enchantement d'un Maître qui a oeuvré depuis 1945 à faire connaître tant les écrits de son Maître, FULCANELLI (1839 - ?), que les oeuvres qui forment ce qui est convenu d'appeler de nos jours : les classiques de l'alchimie traditionnelle.
Eugène CANSELIET (1899-1982) a été le porte-flambeau d'une brillante renaissance des lettres françaises sur l'ésotérisme du Grand Oeuvre, porté qu'il était par le contact prolongé, au sortir de l'adolescence, de son Maître et de Jean Julien CHAMPAGNE (1877-1932). De ce dernier, Eugène CANSELIET n'a pas clarifié toute l'importance qu'il eut dans cette relation, pendant sa jeunesse, avec l'insaisissable FULCANELLI Adepte lequel parvint à concrétiser l'aboutissement du Grand Oeuvre par voie sèche, en suivant l'enseignement de Basile VALENTIN, un auteur si important que l'on compare volontiers son influence à celle de PARACELSE (1493-1541) en Médecine.
En effet, CHAMPAGNE, à travers l'oeuvre et les témoignages d'Eugène CANSELIET, n'apparaît que comme un artiste doué certes, original et fantasque aussi, mais qu'il aît travaillé au fourneau, ah, celà jamais !!!
Or, le blog d'ARCHER, consacré à Jean Julien CHAMPAGNE, depuis trois ans déjà, nous a démontré, et donné quelques exemples concrets à la suite il est vrai, du livre Fulcanelli dévoilé de Geneviève DUBOIS sorti en 1992, que cet artiste était doublé d'un alchimiste passionné, dès ses 17 ans, qui vécut toute sa vie dans l'esprit de la quête de la Pierre philosophale....
Pourquoi Eugène CANSELIET a-t'il toujours effacé cet aspect fondamental du personnage ?
Dès avant Geneviève DUBOIS, l'ésotériste et Grand Maître Maçon Robert AMBELAIN (1907-1997) avait jeté le trouble dès 1962, dans le numéro IX de la Tour Saint Jacques, revue bien connue des amateurs d'alchimie, en assimilant FULCANELLI à son illustrateur J.J.CHAMPAGNE !
Entrer dans le détail de ses arguments serait trop long, et certains d'entre eux ont été réduits à néant par plus d'un défenseur de la lignée Fulcanelli - Canseliet. Il est néanmoins troublant que CHAMPAGNE se soit, notamment, autorisé à signer et dédicacer Le Mystère des Cathédrales à deux personnes telles que Jules BOUCHER et René Schwaller de LUBICZ, qui sont surtout ses proches, sans que le vrai FULCANELLI n'ait réagi, ni qu'Eugène CANSELIET ne soit intervenu pour dissiper une confusion....
Un alchimiste français véritable et resté presque toute sa vie à l'écarts des remous du monde ésotérique, Henri COTON-ALVART (1894-1987), remettait d'ailleurs la paternité des deux ouvrages Fulcanelliens en doute, en lançant l'affirmation que les textes se rapportant à l'aspect de l'histoire de l'art médiéval provenaient en droite ligne de Pierre DUJOLS (1854-1926) libraire érudit, alchimiste aussi, dont les notes et les fiches auraient été détournées pour fonder une partie de ce que nous lisons dans le Mystère et les Demeures.
Beaucoup de petits éléments permettent de douter de l'honnêteté intellectuelle de certains des intervenants au centre de ce qui aujourd'hui est encore un moment clé, voire fondateur d'un mythe, de l'alchimie contemporaine.
Aux débuts troubles, puisque l'identité de FULCANELLI reste inconnue, et toutes les hypothèses recèlent leur part d'ombres et de vérités, succède aussi la période troublée de l'après CANSELIET.
A l'enterrement du défunt Maître de Savignies, regretté de tous, un personnage phare fait sensation. Il n'était plus tout à fait inconnu des lecteurs de la revue de Jean LAPLACE et de Bernard RENAUD DE LA FAVERIE, la Tourbe des Philosophes, puisque Pierre D'HOUCHES y a rédigé des articles qui cernent divers aspects préparatoires de la pratique concrète des travaux d'alchimie.
A cette époque, Pierre D'HOUCHES devient SOLAZAREF, nom d'Adepte ayant obtenu la Pierre Philosophale par une voie alors quasi inconnue, souvent confondue avec la voie sèche, et qu'il a pour mission d'illustrer : la voie brève.
Très vite contesté par une série de personnalités de l'hermétisme alchimique, SOLAZAREF étonne, surprend et secoue en quelques mois tout ce que l'on pouvait penser sur l'alchimie à cette heure.
De 1982 à 1996, SOLAZAREF va faire connaître sa confrérie alchimique, sa filiation en amont et en aval (d'abord à l'aide de la revue Tempête Chymique qui comptera 3 numéros) et des textes aussi surprenants que parfois inquiétants par la tonalité belliqueuse résolument provocatrice qui le caractérise.
Provoquant un reflux des publications alchimiques à caractère artistique et culturel, SOLAZAREF a marqué d'un ton très net la fin d'une époque.
D'autre part, il a été le seul à donner dans ses publications, dont le noyau est rassemblé dans sa Somme Hermétique, autant de renseignements précis, scientifiques, étayés par des citations topiques des auteurs classiques sur la pratique de l'alchimie dans ses quatre voies.....
SOLAZAREF est un des deux grands auteurs français en Alchimie contemporaine, qu'il faut avoir lu. On en sort perturbé, mais modifié dans sa vision du travail et en celà il est l'égal de FULCANELLI qui fut aussi un grand initiateur....
Le lecteur se demandera en quoi l'auteur de ce texte peut se permettre de prendre ainsi parti et de juger largement de l'histoire de l'alchimie contemporaine ?
L'auteur reprend, très temporairement, le flambeau laissé allumé par son prédecesseur et Maître en pratique alchimique FILOSTENE (1923-2009).
A la demande (testamentaire) de FILOSTENE, l'auteur qui doit par sa fidélité reprendre le même nom philosophique, prolongera quelque peu son intervention afin que ce qui devait être exprimé par le défunt, le soit d'après les documents, propos, mises au point et autres enquêtes dont j'ai aujourd'hui le devoir de transmettre le témoignage...
FILOSTENE (nom philosophique dont l'identité civile ne sera pas dévoilée) s'est trouvé des points communs avec les deux grandes personnalités qui ponctuent le XXè siècle alchimique français FULCANELLI et SOLAZAREF !
Premièrement, les deux auteurs reconnus sont de formation scientifique indiscutable. Deuxièmement, ce sont avant tout, de vrais chercheurs infatiguables, n'ayant que l'objectif de la découverte en tête.
Tous deux, ils délaissent une bonne partie de l'oeuvre littéraire au niveau de leurs disciples ou amis, étant moins désireux de parler, de convaincre, de s'entourer que de travailler inlassablement.
Il y a de celà plusieurs années, alors que je lui montrais un texte de Fulcanelli sur lequel il semblait y avoir contradiction de propos entre l'opinion exprimée en début et en fin de chapitre, et cela quant à un autre auteur alchimique (CAMBRIEL), FILOSTENE me fit la réponse suivante : " Pas étonnant, ce texte est formé de bribes assemblées, de deux personnes différentes, et les conclusions de l'affaire, c'est que le lecteur est persuadé de lire un savant alors qu'il lit ici, les propos d'un artiste et hermétiste ironique, là, les propos d'un compilateur de sources les plus variées !"
Cette réponse sera le début d'une série de remises en cause de ce que j'avais cru savoir jusqu'alors. A savoir que Le Mystère des Cathédrales avait été écrit en notes directes par Eugène CANSELIET sur les seules indications de FULCANELLI lui-même et personne d'autre.
FILOSTENE a su (ne me demandez pas comment, je n'ai jamais eu le courage de remettre son opinion en cause !) aussi (et là je pense à COTON - ALVART) que ce texte résulte de notes préparées par FULCANELLI, modifiées ensuite par Jean Julien CHAMPAGNE et réécrites par Eugène CANSELIET qui a suivi les indications des deux auteurs successifs.
Certains paragraphes portent ainsi de brusques changements de tonalité : l'épisode de Saint-Marcel que nous avons évoqué en long et en large en est des plus caractéristiques.. Tout ce qui a une connotation d'histoire de l'art et d'interprétation des auteurs n'est pas toujours de FULCANELLI loin s'en faut et c'est là que se trouve le lièvre : CANSELIET, âgé de 23 ans, enthousiaste, comblé d'être la cheville ouvrière, par ses belles qualités et son éducation excellente, n'a pas demandé de justifications de ce qu'il a rédigé, ni à FULCANELLI, qu'il ne voyait plus au moment de la rédaction (voyez ce qu'il en a dit à plusieurs reprises, notamment dans ses alchimiques mémoires) ni à Jean Julien CHAMPAGNE qu'il cotoie alors très régulièrement et aux côtés duquel il vivra 7 ans de sa vie (de 1925 à 1932)...
Pour FILOSTENE, il est très clair que les notes de FULCANELLI ont été nourries, enrichies, mais aussi modifiées par CHAMPAGNE, qui est intervenu à plusieurs reprises tant sur le texte du Mystère que dans les Demeures.
Dans l'esprit de CANSELIET, même s'il y avait un doute, la correction de son éducation l'a certainement empêché de demander en direct à son Maître des précisions sur les textes à fournir, ceux ci transitant certainement par CHAMPAGNE pour recevoir l'approbation ou les modifications nécessaires.
En résumé, les textes proviennent bien d'un Adepte, du moins pour ce qui concerne la science alchimique et les symboles, leur choix dans les matériaux artistiques évoqués, mais le style, le contenu de nombre de parties des deux livres proviennent de Jean Julien CHAMPAGNE en première ligne, avec ou sans l'aval de l'Adepte, et rédigés sous la main d'Eugène CANSELIET qui a mis en forme les écrits mixtes que nous lisons aujourd'hui et qui reflètent de ci de là l'opinion de CHAMPAGNE et de FULCANELLI.
Lorsque l'on prend un peu de recul, que l'on voit ces deux oeuvres parmi le corpus alchimique, tout ceci évoque l'incertitude des sources, en dehors des éditions successives qui figent un contenu à un point précis de son expression. Les textes reconnus comme des classiques de l'alchimie reflètent tous une parenté terminologique, tous un mélange des apports successifs des Maîtres, tous un même mélange d'auteurs qui se fondent dans ce que l'on nomme la Tradition.
Nous pourrions amplifier nos propos et développer concrètement tout ces aspects de l'alchimie traditionnelle mais nous pensons que nos lecteurs sont habitués à de tels développements et qu'ils connaissent les bons auteurs qui leur permettent de voir plus clair dans tout celà.
Nous avons précédemment dit ce que FILOSTENE pensait de l'identité civile de FULCANELLI et il vous dirait que si vous vouliez encore pousser plus loin cette recherche obstinée : " il est totalement inutile de prouver sa filiation : elle a été administrativement rayée des états-civils où elle apparaissait, grâce à des appuis finement utilisés par la famille De LESSEPS". Voilà, fermons ici ce long chapitre.
Si vous avez lu les articles sur Saint-Marcel, vous aurez compris le fond de la pensée de FILOSTENE sur cette branche de l'alchimie française du XXè siècle.
Nous avons intitulé notre article : des voies et des filiations.
Nous venons de voir comment les tenants de la voie sèche dans sa branche française et contemporaine s'est illustrée par les deux auteurs phares : FULCANELLI et Eugène CANSELIET. Cette voie se perpétue actuellement par les vrais disciples de ce dernier à savoir : ATORENE et Roger BOURGUIGNON, Séverin BATFROI et quelques autres discrets, qui sont peu connus des lecteurs férus des publications alchimiques.....
Nous avons aussi nommé la voie brève : les fidèles disciples éprouvés de SOLAZAREF continuent la transmission de cette voie qui est physiquement harassante, exigeante et lorsque vous entendrez prochainement un orage gronder, pensez à ceux de ces disciples qui bravent ces forces electro magnétiques déchaînées afin de capter ces forces naturelles au sein d"un plasma métallique en ignition, et risquent leur vie dans ce type de pratique qui culmine parfois en transmutation directe ! Mais, avis aux amateurs, ce type de voie ne convient évidemment pas à tous les tempéraments.
Les travaux de la médecine spagyrique, passionnants et gratifiants, par leur recherche des huiles essentielles, des quintessences, des êtres des plantes, sont dans une lignée ininterrompue depuis la Renaissance, mais remonte aussi au savoir médiéval ancestral (pensez à Hildegarde VON BINGEN par exemple). Alexander VON BERNUS (1880-1965) a ainsi créé le laboratoire SOLUNA dans l'esprit de continuité des MAVERIC, prédecesseur d'Armand BARBAULT, dont le fils Alexandre poursuit les efforts, et d'autres chercheurs cultivent d'une part la voie sèche et d'autre part la voie spagyrique tels Patrick RIVIERE ou Patrice PARTAMIAN....
Nous avons cité VON BERNUS : c'est effectivement par lui que nous vous suggérons de partir sur les traces de l'iatrochimie. Son livre : " Alchymie und Heilkunst" traduit en français en 1960 (édition Dangles) est une oeuvre qui délivre énormément d"informations sous un style sobre et discret, et dont il faut dire et redire qu'il cache ainsi de nombreuses pistes aux chercheurs qui seraient trop empressés de réussir un tour de main.
La chaîne de transmission médiévale s'est trouvée un apôtre en la personne de PARACELSE, continue avec des alchimistes comme VAN HELMONT, scientifique converti par une transmutation effectuée par un mystérieux missionné (que VON BERNUS suggère être PHILALETHE).
Enfin, et voici le propos principal de notre article, la fameuse voie humide, faite de préparatifs méticuleux aux noces chymiques, se dresse en exemple des difficultés innombrables pour obtenir le fameux or potable des Anciens, la Pierre transmutatoire des Sages, mais reste celle qui demande une patience à toute épreuve et une discrétion absolue sur ses voies et moyens.
C'est dans cette voie que mon Maître a passé ses soixante années de laboratoire, entouré d'animaux et de forêts, de forces naturelles et de présences étranges dans l'absolue conviction que cette voie apporte la vraie connaissance : celle qui permet de laisser la richesse aux pieds du Christ qui est le vrai amour, dans la position de l'Apôtre Jean....
Cette dernière phrase est dans le style de celles que notre Maître avait coutume d'utiliser dans ses conversations. Pour descendre d'un étage, traduisons donc par : les sels polychrests mis en position de réception (ouverture) des rayonnements ionosphériques, source d'évènements énergétiques décisifs !!!!
Oui, la voie humide comporte des phases passives inédites, faisant des processus lents et entropiques des aimants de la transformation tiède des matières. Elles comportent bien des étapes, dont la clé est : SAVOIR MOURIR et FAIRE MOURIR en suscitant l'action des ferments et des esprits corrupteurs naturels.
En réalité, les quatres voies utilisent des agents (esprits physiques et rayonnements célestes) dont le travail préparatoire est décisif pour la suite des opérations. Des agents rendus "canoniques" sans quoi, l'alchimie présupposée ne reste qu'un mécano physico-chimique rapidement décevant.
Tous les textes classiques, depuis le XIIè siècle, pour la tradition occidentale, depuis le IIè siècle, pour la tradition alexandrine, proposent invariablement ce piège : description d'opérations devenues banales, parce que tous les non-initiés sont incapables de concevoir les "agents" au niveau d'exigence où ils se placent, apparente incohérence des textes dont les contradictions proposent une réflexion en profondeur....
Les voies ont elles un sujet de départ obligé ?
Vaste question.
Souvent, l'amateur d'alchimie, coutumier du vocabulaire et de la symbolique, confond sujet de départ et materia prima. Cette dernière est toujours en vue de la Pierre "finale", de l'Or essensifié, de l' Être de la plante ou autre élaboration nommée Magistère (maîtrise par le procédé et stabilité finale du produit).
Le Sujet de l'Art est en fait, quasi infini !
C'est d'abord l'opérateur lui-même.
Comment le soigner me direz-vous ? Et bien, l'Alchimie dispose dans son grand laboratoire d'une grande variété de remèdes à ses multiples déficiences et déviations dues aux habitudes néfastes, qu'elles soient biologiques, nutritionnelles, psychiques ou spirituelles.
Heureusement, l'approche spagyrique épaulera l'initié qui connaît les opérations préparatoires aux remèdes.
FILOSTENE, investi dans la voie humide, obtenait des êtres de plantes qui mélangées à divers aliments, apportaient ces correctifs, ces fortifiants, dont la médecine et la phyto classique n'étaient que de vagues imitations.
Donc travailler en Spagyrie est l'adjuvant nécessaire de la longue quête des voies classiques (humide, sèche et brève).
Sujet des Sages : stibine, galène, cinabre, bismuth, "marcassites" des anciens, tous les sujets sont possibles ! Mais pas pour n'importe quel résultat.
Ici commence la double investigation : quelle préparation liminaire leur faire vivre pour les tirer de la torpeur où les a plongé la sortie brutale de la minière dont ils proviennent ? Quels sont les agents qui leur conviennent ?
Dès l'entrée, l'Alchimie requiert des aspirants qu'ils ne réduisent pas paresseusement la taille et l'ampleur des travaux qui les attendent....
A très bientôt.